LA TEMPERANCE

La tempérance est une vertu humaine, émanant du fait, et est, par conséquent, considérée comme la moins digne des vertus cardinales.

« Cardinale » vient de « cardo-inis » : gond, pivot, point d’ancrage ; ce qui signifie le cœur de l’homme, c’est-à-dire le centre ontologique où la vertu cardinale devient le principe initiatique qui rend l’homme vertueux. Plus l’homme est proche de son cœur, plus il est stable et plus il est fort.

Les vertus morales (humaines) sont le fruit des vertus fondamentales (divines) d’Espérance, de Foi et de Charité. Ces vertus morales permettent l’ouverture des portes du cœur et de l’esprit, à la Vraie Vie.

La tempérance est une « belle » vertu, pour l’être qui se trouve encore dans le besoin de reconnaissance. Mais étant une vertu relative au fait, elle est aussi un voile au désir profond qui anime le cherchant de la béatitude. C’est une vertu qui demeure « extérieure » à son cœur. Elle signifie l’acquisition de la rationalité par une « aptitude naturelle à la vertu », selon Aristote. La tempérance n’est pas spirituelle, mais rationnelle.

A toute vertu correspond un don. Il n’y a pas de don qui corresponde à la tempérance. Le don signifie la Vertu. Elle est en cela Don de Dieu. C’est l’au-delà du Don. Le Don céleste se transforme en don terrestre.

La tempérance est le « temps fini de l’errance » : le temps qui signifie que l’homme n’est pas encore parvenu au cœur de lui-même, mais qu’il tend vers celui-ci. La tempérance ne témoigne d’aucune évolution verticale : elle est progression constante de la vie en soi, contribuant à son amélioration dans sa relation au monde. Elle est le reflet dans le monde du rétablissement de la vie intérieure, ce qui favorise le calme et la douceur extérieure. La marche vers l’unité permet le détachement de la dualité. C’est l’ordre intérieur qui fait sortir du chaos extérieur. La tempérance est une vertu qui permet de s’extraire du chaos.

La tempérance redonne à l’homme la crainte de Dieu.

La Crainte de Dieu : Dieu craint que l’homme ne conforme pas sa vie à Sa Parole de Sagesse et d’Amour, et qu’il continue à vivre selon ses gouts, ses envies, ses besoins. Le « don de crainte » invite à éviter d’offenser Dieu en permettant à l’homme d’aller à la rencontre de l’expression de la tempérance. La crainte de Dieu est salutaire parce qu’elle libère l’âme et l’esprit de l’homme des doutes, des angoisses, des craintes et des peurs relatives au fait. Elle correspond à la vertu d’Espérance. La Loi fait autorité pour rendre l’homme vertueux. Ce qui reprend le principe qu’ « il n’y a pas de loi sans autorité ; ni d’autorité sans crainte ! ».

La tempérance a donc le pouvoir de ramener l’homme à Dieu en retrouvant la crainte de Dieu.

La tempérance est honorable en ce sens qu’elle résulte du combat mené contre la tentation.       Saint Augustin : « Point de salut sans combat dans son intériorité ».

Saint Augustin : « Il appartient à la tempérance de se garder pour Dieu intègre et irréprochable ».

Saint Ambroise : « Dans la tempérance, c’est surtout la sérénité (la paix) de l’âme qui est considérée et recherchée ».

L’Homme retrouve son âme au cœur de lui-même ; et retrouvant son âme, il retrouve ensuite l’esprit. Pour le Maçon, les trois principes réunis, corps-âme-esprit, constituent « l’équerre » de sa vie.

La Beauté est la traduction de la Justice. Elle est l’image de la Vérité. La tempérance écarte de la tentation ; la Force maintient sur le chemin qui mène au cœur ; la faiblesse en détourne. La Force rend l’être inébranlable. La tempérance, en effet, écarte ce qui allèche l’appétit à l’encontre de la raison. La tempérance est le fruit de la raison ; la Force, le fruit de l’esprit. Un être qui a perdu la raison ne peut plus être tempérant, et au fur et à mesure de la tempérance, la raison s’efface. Le besoin de la raison est relatif à la force du fait devant la faiblesse de l’esprit. La Force est le fruit de l’esprit, ce qui signifie qu’en tant que fruit de la raison, la tempérance est la moins digne des vertus. La « faiblesse » de la tempérance est d’avoir besoin, au commencement de la vie initiatique, de la raison.

La tempérance a une beauté relative : elle tient au raisonnement par rapport au fait ; c’est une beauté du besoin. La véritable beauté appartient à la contemplation. « A la tempérance appartient la grâce de la modération » dit Saint Ambroise. Il appartient à la vertu morale de conserver le bien de la raison contre les passions qui s’opposent à la raison. Une vertu morale permet la mesure, l’évaluation du sens. La connaissance du sens permet la mesure (la raison) devant le non-sens. Dans la tempérance, on est dans un sens relatif et non absolu. La force permet de rester ferme, inébranlable, devant les difficultés. La force est de ne pas fuir, mais de combattre le non-sens. La tempérance permet de garder la raison devant les tentations. Les deux, tempérance et force, contribuent à l’intégrité de l’Homme au regard de Dieu, de Sa Justice, dans la perspective du Salut. Plus l’homme est tempérant, plus il recouvre la force. La tempérance dans son principe, renferme la nécessité de l’intériorisation de l’homme, dans le but de le rendre tempérant dans sa relation au monde. L’homme tempérant signifie et symbolise, au regard de l’autre, sa nécessaire intériorisation.

L’être tempérant s’attriste de moins en moins de l’absence des biens désirables. La Force permet l’affermissement dans la confrontation avec les maux. La tempérance concerne les convoitises, et la Force les craintes et les faiblesses. L’existence n’est que la traduction de la résultante entre ces deux vertus : l’une rationnelle et morale (humaine), et l’autre spirituelle (génératrice et créatrice de vie) et théologale (divine).

Tant que l’homme n’est pas parvenu au cœur de lui-même, tant qu’il est sur le chemin de la tempérance, la dualité entre la faiblesse de l’humain et la force du divin peuvent encore s’opposer en lui.

Tant que l’homme est sur le chemin de la tempérance, il demeure injuste dans sa relation à lui, dans sa relation au monde ; certes de moins en moins, mais tant qu’il sera tempérant, il sera injuste, et ce jusqu’à qu’il parvienne au cœur de lui-même. Au cœur de l’homme, la tempérance s’efface devant la Justice, l’homme s’efface devant Dieu. De la même manière que la tempérance s’efface devant la raison, au cœur de l’homme la tempérance s’efface devant la Justice. Au cœur il n’y a plus de tempérance.

Dans l’Ancien Testament, l’exode du peuple juif symbolise la tempérance qui est notre traversée du désert, pour nous rendre dans la terre sainte de notre intériorité.

Dans le Nouveau Testament, la tempérance est symbolisée par la Passion du Christ, en particulier lorsqu’il dit : « vous devez renoncer à tout ce que vous avez, vous êtes, y compris vous-mêmes, pour porter ma croix dans le monde. » En suivant la Passion du Christ, l’homme passe de l’horizontalité de la tempérance à la verticalité de la Justice.

L’homme a été doté par Dieu de la raison, pour qu’il puisse vivre selon la sagesse. Cette sagesse est manifestée non par la tempérance, mais par le chemin de la tempérance. La tempérance est le chemin de la sagesse.

La raison de l’homme est intellectuelle ; sa sagesse retrouvée est spirituelle. Le chemin de la sagesse de l’Ancien Testament, c’est le retour en Terre Sainte. La sagesse du Nouveau Testament est l’exigence de vie de la Passion du Christ.

Si l’homme est doté de la raison, il est doué de la sagesse ! La tempérance est le chemin de la Sagesse de Dieu. Par le suivi de ce chemin, l’homme manifeste la sagesse, et non plus la raison.

Quelle est la règle de la tempérance ? Il ne semble pas que la règle de la tempérance doive tenir compte des nécessités de la vie présente : la tempérance ne s’exprime pas par rapport au fait, mais essentiellement pour la vie de l’homme. En effet, ce qui est supérieur ne prend pas sa règle dans l’inférieur ! Or la tempérance, puisqu’elle est une vertu de l’âme, est supérieure aux nécessités du corps. La règle de la tempérance ne doit donc pas être prise selon les nécessités du corps. La tempérance ordonne la vie en dehors des exigences de l’existence. La tempérance elle-même a pour fin et pour règle la béatitude, mais les choses dont la tempérance fait usage ont pour fin et pour règles les nécessités de la vie humaine. La tempérance considère la nécessité dans son rapport de convenance à la vie : elle n’est pas reniement ni tolérance, mais prise en considération de l’évènement en vue du perfectionnement relationnel à soi et au monde.

La tempérance est une vertu morale et non théologale car elle permet la mesure. Elle doit être toutefois évoquée sur deux plans : dans son principe et dans sa manifestation.

Le tempérant est celui qui a repris le chemin de son cœur (le Principe) pour pouvoir être tempérant dans sa relation au monde. Elle n’œuvre dans la relation au monde qu’en tant qu’expression du temps fini de l’errance. Sans l’unité intérieure retrouvée, il n’y a pas d’unité extérieure possible. Dieu ne peut être Tempérant que pour son peuple, qui suivant la Loi de Moïse retourne en Terre Sainte … Moïse est le prophète qui a fait sortir le peuple Juif (des Justes) de l’errance. Dans l’esprit la tempérance est, comme toute vertu, principielle (Principe descendant du Ciel).

Toute acquisition intérieure doit porter son fruit à l’extérieur. « Vous avez été choisis afin que vous alliez au cœur de vous-mêmes, et que vous portiez du fruit » Parole du Christ aux Apôtres.

La tempérance est-elle une vertu cardinale ? Les vertus cardinales concernant la vie terrestre de l’homme, trouvent leur source dans la vie céleste. En ce sens, elles sont aussi théologales. La tempérance terrestre est le reflet de l’Espérance céleste. L’Espérance de Dieu est la Vision du Père faisant sortir l’homme de l’errance. La tempérance est la réponse de l’homme à l’attente de Dieu, car « retourner à soi c’est retourner à Dieu qui est en soi » dit Annick de Souzenelle. L’espoir, à l’inverse, signifie le conditionnement de la vie au fait.

La tempérance est le chemin horizontal du retour du fils vers le Père ; la crucifixion étant le chemin vertical.

La primauté de la tempérance tient à la force de la raison pour un retour à sa vie intérieure. L’ « Homme de Désir » est l’homme qui se laisse désirer par Dieu. Il est celui qui ne désire rien de par lui-même. C’est du Désir de Dieu que vient le désir de l’homme d’aimer, car seul Dieu est Amour.

La tempérance est-elle la plus importante des vertus ? Il est plus facile de porter un jugement que de réfréner ses pulsions et ses convoitises. La tempérance apparait (extériorité) comme d’autant plus nécessaire et meilleure qu’elle est d’un usage plus fréquent. C’est elle qui mène à la prudence et à la force dans la soif de la Justice. Elle ne prime sur la force que dans le sens où elle est première sur le chemin de l’exode. La tempérance fait appel à la persévérance dans la constance ; la force à la temporalité. La tempérance est un retour à la source de sa vie pour y puiser la force d’aimer dans la multitude car l’Amour de Dieu est inconditionnel.

Vices opposés : insensibilité et intempérance.

L’être tempérant n’est pas insensible, mais détaché du sensible pour pénétrer le royaume de l’intelligible. Le pouvoir de la tempérance est de permettre à l’homme de dominer, de maîtriser de plus en plus sa sensibilité. La symbolique de l’être parvenu à la Justice est de témoigner dans le monde de la transformation de ses sentiments en pur amour de Dieu, dans l’amour inconditionnel de l’autre. Plus l’homme se rapproche de son cœur, plus il est discipliné, rigoureux, ferme, sévère ; ce qui ne signifie nullement qu’il serait devenu insensible ou indifférent. Le combat intérieur contre les convoitises ne signifie pas l’insensibilité par rapport au monde extérieur. L’existence n’étant que le reflet de la vie intérieure ! Il est donc nécessaire d’œuvrer dans son intériorité comme dans son extériorité. Le point définissant le cercle ; le cercle signifiant le centre. L’esprit ne peut être dissocié de la matière. L’intempérance est puérile puisqu’elle est relative au fait, occultant la grandeur d’âme et d’esprit. La tempérance, à l’inverse, ramène l’homme vers une possibilité de croissance, de verticalisation de l’esprit par le salut de son âme. La tempérance redonne le sens de la nécessité. L’intempérant est celui qui a perdu sa volonté, son courage. Le lâche est celui qui renonce à la volonté.

La lâcheté : c’est lâcher le principe d’aimer. Elle est manque de volonté nécessaire (faiblesse) pour créer le lien qui nécessite la force.

Les vertus cardinales mènent au cœur et émanent du cœur. Elles sont le garant et la source de l’harmonie à partir du point d’équilibre.

Les vertus potentielles d’une vertu principale sont les vertus secondaires ; en certaines autres matières où l’on ne rencontre pas la même difficulté. Elles observent une mesure identique à celle qu’observe la vertu principale envers la matière principale qui est l’homme lui-même. Il faut distinguer en cela la tempérance, qui émane de l’ordre intérieur- de la modération, de la continence ou de la clémence qui se réfèrent à l’ordre extérieur.

La principale difficulté que rencontre l’homme, c’est l’homme lui-même. La tempérance est d’une exigence absolue ; ces vertus potentielles ne sont que relatives. Le sens de la modération trouve sa plénitude dans la sagesse de Confucius : « Celui qui n’exige rien de lui ne peut rien demander à l’autre. »

 

Les 4 vertus cardinales (la Clémence – la Tempérance – la Prudence – la Force) figurent les 4 points du carré, symbole de la matière et dont le centre est la Justice. La quadrature du cercle, c’est quand l’esprit est enfermé dans la matière. Il ne sort de ce labyrinthe infernal que par le cœur-centre à partir  duquel il trace un rayon d’action qui définit la vie au-delà de la matière. Il est sorti de son rayon d’activité pour accomplir sa divinité (son acte d’amour dans le monde).

Les vertus qui maintiennent l’équilibre et l’harmonie de la vie dans la création sont la Clémence, la Tempérance et la Prudence. Elles montrent la voie de l’intériorisation.

La Justice avec la Force sont sources de vie dans la création. Le sens de la vie, c’est l’au-delà. La Force et la Justice sont l’au-delà de la Clémence, de la Tempérance, et de la Prudence.

 

L’essentiel de la lumière portée sur la tempérance émane d’un travail de synthèse de la Somme Théologique de Saint Thomas d’Aquin.

 

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