LA PRUDENCE

Les 4 vertus cardinales (Clémence – tempérance – Prudence – Force) figurent les quatre points du carré, qui est le symbole de la matière et dont le centre est la Justice (le 5).

Ces 5 vertus sont la quintessence de la vie sur terre. Elles portent en elles et donnent le sens de l’équilibre et de l’harmonie entre la vie intérieure et la vie extérieure, la Justice symbolisant le centre de cette vie intérieure.

Les vertus qui montrent la voie de l’intériorisation, le seul chemin menant à la Justice, sont la Clémence et la Tempérance. La Prudence et la Force sont l’expression, dans la Création, de la Justice.

L’homme n’est pas vertueux, il est rendu vertueux.

Toutes les vertus sont théologales. Elles viennent du Ciel, de Dieu qui en est la source. Le Théos, c’est à dire le verbe de Dieu, l’incarnation de l’Esprit de Dieu, se transforme dans la matière de l’homme en Logos, en parole vivante et en acte d’amour.

La Prudence appartient à la faculté appétitive et non cognitive. La faculté appétitive est la réponse à la saveur de la quête dans la relation à Dieu. La faculté appétitive fait référence au texte de l’Evangile de Jean 6 : « Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ni jamais soif car il sera devenu lui-même la source d’eau vive et éternelle ». La faculté cognitive émane du besoin intellectuel. L’une ramène à la connaissance ; l’autre se rattache au besoin de savoir.

Saint Augustin : « La Prudence est un amour qui choisit avec sagacité ce qui lui est utile de ce qui lui fait obstacle ». « La Prudence est la connaissance des choses qu’il faut vouloir et des choses qu’il faut fuir ».

Le prudent, c’est le prude à ce qui ment : le chaste – le pur – l’humble. Son détachement lui procure la vision de l’au-delà en vue de l’action.

Le prudent est le maître qui signifie le choix de l’amour. Il incarne le Un fondateur, l’Image (l’Unité rétablie entre Dieu et l’homme), fondement de la Vraie Vie dans le monde (la Ressemblance). Le prudent est celui qui n’agit que par la Grâce de l’Amour de Dieu.

Saint Isidore : Le prudent est le « porro videns » (comme voyant loin). Le prudent est le clairvoyant ; il lui est donné la vision du lointain, de l’au-delà du fait.

Saint Augustin : « La Prudence est un amour discernant bien ce qui amène à tendre vers Dieu de ce qui peut l’en empêcher ».

La Prudence symbolise cette intention pure de communiquer, de vivre et partager la Vraie Vie.

Le prudent considère le devenir et non le présent.

La Prudence ne concerne pas le conseil dans la raison ni l’élection dans l’appétit : la Prudence n’est concernée ni par le goût ou l’envie, ni par le choix de la raison. La Prudence ne s’applique pas au fait ; elle est vision de l’au-delà du fait. La réussite de la Prudence ne consiste pas dans la simple considération mais dans la participation au Grand Œuvre de la Création. C’est la Prudence de Maître Hiram, dans le silence de sa mort, qui permet la construction du Temple de Salomon (du temple de la vie intérieure de chacun dans le secret de la relation à Dieu). Le Silence est le symbole du secret, de ce qui se crée dans la relation de l’homme à Dieu.

« Devenez une pierre vivante pour participer à la construction de l’Edifice » dit Jésus aux Apôtres. Le sens de cette pierre vivante est de se rendre vivante dans sa relation à l’autre. Le vivant est l’être universel qui vivant en lui, vit avec l’autre pour l’autre, en lui comme en l’autre, en l’autre comme en lui. Et là, la reconstruction du Temple de Salomon s’accomplit au regard de Dieu.

Maître Hiram est la Pierre Angulaire fondamentale de l’Edifice qu’est la Création de la Vie ; Jésus est la Pierre Angulaire Triomphale, et c’est une seule et même pierre. Maître Hiram, comme Jésus, est éternellement vivant, car étant mort au fait, il est mort à sa mort dans le fait.

Le prudent a une volonté propre car détachée de tout fait. C’est la Volonté de Dieu qui le rend prudent. Il n’est prudent que grâce à Dieu. Le prudent n’est ni dans l’avoir ni dans l’être ; il se positionne (se pose dans Sion) dans l’au-delà. Sa vision est verticale même si sa traduction peut apparaitre horizontalement.

Est-ce une « faculté appétitive » ou une « faculté cognitive » ?

Faculté appétitive : ce par quoi nous sommes nourris. Elle est déterminée par la réponse à l’Appel de la vie intérieure. Cela évoque la Manne du désert (Deutéronome). L’homme a écouté la Parole de Dieu qui le ramène à la Jérusalem terrestre de son cœur, parce-que l’homme initié prend conscience qu’il a déserté son cœur. Cette Manne du désert, c’est la Parole de Dieu qui suffit à nourrir, non plus son corps qui est dans le besoin d’avoir, mais son âme et son esprit pour qu’il soit ramené à la nécessité d’être. L’être matériel a toujours besoin de nourrir son corps sans que jamais cela soit suffisant. L’être spirituel est appelé à enrichir son âme et son esprit de la Parole de Dieu.

Faculté cognitive : ce qui émane de la conscience de l’homme (intellect inférieur) dans sa vision claire du monde. L’Intelligence Supérieure met l’être en relation avec la Conscience Supérieure ; c’est l’Être conscientisé, celui qui a reçu la Conscience, en vue de l’amour.

Le prudent est le pur, le chaste, le prude détaché de ce qui ment.

« Seulement dans la raison pratique, ou aussi dans la sagesse spéculative ? »

Prov (10,3) : « La prudence est sagesse pour l’homme ! »

Or la sagesse consiste principalement dans la contemplation. Donc de même la prudence. La contemplation se situe au cœur de l’Homme qui devient à la fois le temple de l’homme et le Temple de Dieu. Ces deux temples sont les deux sens de la relation de l’Homme à Dieu et de Dieu à l’Homme. Au cœur de l’Homme, il n’y a plus que le Sens qui se traduit en symbole, en reflet du Sens dans la création. Le Maçon spéculatif est celui qu’espère Dieu dans le reflet de Son Image. L’Image est la pureté de l’Homme. L’Image de Dieu c’est l’Image de l’Au-delà, c’est le Sens de l’Au-delà. L’Au-delà de l’Image, c’est la Ressemblance. La Ressemblance est le Sens de l’Image. Le Maçon spéculatif reflète le Sens. L’opératif signifie l’union de l’Esprit et de la Matière. Le Spéculatif signifie l’union de Dieu à l’Homme : Dieu s’unit à l’Homme et lui confère Son Image en vue de refléter Son Esprit. La Prudence s’occupe de la recherche du Vrai.

L’imprudent est dans le déterminisme de sa vie par le fait. Le prudent vit dans la ferme détermination, c’est-à-dire la ferme volonté à l’action. Le premier est passif, le second acteur.

Prov (23,4) : « Mets une mesure à ta prudence », ce qui veut dire « Sois prudent pour mesurer ! ».

A propos des vertus en général : « La vertu rend bon celui qui la reçoit, et bonne l’œuvre qu’il accomplit » (L’œuvre qui s’accomplit à travers lui, autrement dit la participation au Grand Œuvre).

L’art est ordonné à une fin particulière (guerre, médecine, …) alors que la prudence en mesure l’au-delà. La Parole des Proverbes n’est pas à entendre comme si la prudence devait être elle-même mesurée ; mais en ce sens qu’il faut toujours imposer à toute chose la mesure de la prudence. Seule la prudence permet de mesurer ! La justesse découle de la prudence : c’est la sagesse du juste.

La Prudence n’est pas une vertu particulière car elle n’a pas d’objet propre. Elle est la « droite raison de l’action » dit Aristote. La Prudence permet de mesurer le degré de l’action ; c’est donc une sagesse car elle s’établit dans le pour, et non pas une raison établie par rapport, d’où sa droiture. La « juste mesure » est la mesure (la Prudence) de l’application de la Justice. La Justice témoigne de la Prudence : elle en est l’application. Depuis la venue du Christ, la Justice s’applique grâce à l’Homme, l’homme parvenu au cœur de lui-même pour se rendre à la Justice. Rendu à la Justice, il lui est rendu la justice d’être juste : la capacité retrouvée d’être Juste, d’être capable d’œuvrer grâce à la Justice. Le Tempérant se rend à la Justice. La fin de la Tempérance est signifiée par la Prudence. L’Homme, c’est le tempérant parvenu à la Justice du cœur où il est rendu prudent. C’est le vivant en christ ressuscité, à la croisée des chemins de l’humain et du divin. La Justice appliquée au monde, c’est l’Amour (horizontalité). Et, dans sa relation à Dieu c’est la Force (verticalité).

Le sens de la Prudence est de permettre à l’Homme d’illuminer sans aveugler. Elle filtre et canalise la Lumière de la Justice. Le cœur de l’Homme est le diaphragme de l’Amour de Dieu en vue de la Justice. La Prudence n’est pas une vertu car elle ne ramène pas l’homme à Dieu. C’est une grâce divine en vue de l’amour dans l’Esprit de Dieu. La Tempérance – la Justice – la Force sont des vertus dans le sens qu’elles transforment l’Homme en Être tempérant, juste et fort par la grâce de la Prudence. Toute vertu émane de Dieu pour ramener l’homme à Dieu. C’est pourquoi la prudence est une qualité et non une vertu !

L’Espérance, la Foi et la Charité n’appartiennent qu’à Dieu : ce sont des attributs de Dieu. Les vertus sont données à l’homme en vue du don de l’Homme dans sa ressemblance à Dieu. La nudité de l’Homme tient à son dépouillement de Dieu. En revêtant l’armure du Christ, il retrouve la Puissance de l’Esprit qui l’unit à Dieu. Maître Eckhart : « L’homme arrivé au cœur de lui-même est par grâce ce que Dieu est par nature ».

Il n’y a donc pas de vertus morales et théologales : il n’y a que des attributs de Dieu reçus en grâce par l’Homme en union à Dieu.

La Prudence est donc une qualité appétitive (qui suscite la faim) pour un esprit de Justice épris de l’Amour de Dieu. La Prudence a pour Principe de rendre les vertus vivantes. La vision du cœur nous donne à voir ce qui est juste, car ce qui est juste c’est « Ce qui parle » (la Parole) au cœur de l’Homme, ce qui se révèle à manifester. La manifestation pour l’Elu c’est le manifeste (la Loi) dans l’action. L’Homme épris de Justice est celui qui oriente sa vie vers l’amour inconditionnel, selon la Loi : « Aimes ton prochain comme toi-même (comme toi-même tu es aimé de Dieu).

L’Homme qui reçoit la vision du cœur donne à voir ce qu’est le cœur ; et à travers lui ce que c’est que d’être vivant …

Selon la Parole du Christ : « Devenez une pierre vivante pour participer à la construction de l’édifice », la Maçonnerie est l’acte qui participe de cette construction  (et non pas à cette construction). L’homme vertueux est un homme construit et façonné par la Sagesse et l’Amour de Dieu. Et c’est cette construction qui participe à la construction d’une vie meilleure et d’un monde meilleur.

La reconstruction du temple de sa vie intérieure, sortie des décombres de sa déstructuration mentale, affective et comportementale par le monde sensible, ramène l’homme à la sainteté d’une vie purement spirituelle.

Un travail passionnant est un travail qui nous ramène à la Passion du Christ.

Pour le Christ, ne sont semblables, autrement dit frères, que ceux qui marchent ensemble vers leur cœur dans le seul but de rendre gloire à Dieu et de vivre selon Sa Ressemblance. Les « Semblables » sont ceux qui vivent en esprit. C’est le « Et » de la Vie Spirituelle par la grâce de l’Esprit Saint qui constitue l’ensemble, c’est-à-dire l’Edifice.

Au regard de Dieu, les semblables sont ceux qui sont en capacité d’être assemblés, et non pas de s’assembler. « Partout où vous vous réunirez en mon nom (la raison pour laquelle nous sommes assemblés), je serai parmi vous » Paroles du Christ.

N’est vertueux que celui qui ne peut plus se penser ni être perçu comme vertueux. Il n’est rendu vertueux que par la Grâce de Dieu.

La Prudence établit-elle le milieu des vertus morales ? Non, car elle est établie au milieu des vertus morales c’est-à-dire au cœur de l’Homme. Les vertus sont une exigence de Dieu ; la Prudence un don. « Rares sont ceux qui vivent dans l’exigence de sens absolu qui les habite ! » A. Abécassis (théologien Juif).

La Prudence est la droite règle des actions ! En ce sens elle est impérative. C’est-à-dire qu’avant l’action il faut veiller à la Prudence. Sans la Prudence (le détachement) l’homme ne peut que réagir et non agir. La Prudence permet l’agir divin par le non-agir humain. Le prude (le chaste, le pur) n’a aucune intention propre. C’est l’amour qui signifie la Prudence.

Toutes les vertus sont des actes : le « ce », la dernière syllabe des quatre vertus cardinales, est ce qui « signifie » la connaissance de l’Être : L’Être qui voit naître en lui comme dans le monde « ce qui » est juste – tempérant – prudent et fort. Le « ce » est le signe de la Présence de Celui qui est à travers l’être. Tous ces actes sont amour car, émanant du cœur ils sont inconditionnels. Ils sont sources de vie dans la Création. Ce que l’homme ordinaire appelle « fait », l’Initié le nomme Matière : matière à écouter, à voir, à comprendre, à vivre. Le profane en appelle à tout autre que lui ; l’éclairé est porteur du Saint Nom qui nomme toute chose « amour ». La Matière est pour l’être, invitation à la « Participation de la construction de l’Edifice », au Grand œuvre de Dieu. Ce qui était extérieur devient intérieur pour transformer l’être en « pierre vivante ».

En conclusion : Le Prudent, dans sa relation au monde, est le symbole du maître, qui met de la mesure et de l’évaluation dans tout ce qui doit être.

 

 

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